mercredi 22 février 2012

Lettre d'une mère à sa fille

Mercredi 23 décembre 1981 (14 ans)

Ma chère Sophie,

Voici Noël, la fête de l'amour...
Je suis triste de manière infinie car tu n'es plus la petite fille aimante que j'ai connue...
Tu veux ta liberté, et je le comprends, et je ne pense pas être tellement "vieux jeu" pour ne pas t'accorder assez de liberté pour que tu sois heureuse.
Je souffre seulement du manque de respect et d'amour dont tu fais preuve à l'égard de ta maman et du lieu où nous habitons : Tu décides avant de ma demander, si je ne suis pas d'accord, tu réagis avec agressivité... Tu ne vois pas ce qui se passe à la maison...Tu ne vois que tes petits caprices vestimentaires - ridicules souvent d'ailleurs - mais qui pour toi sont la seule chose importante à tes yeux.
je ne suis pas d'accord sur le manque d'amour que tu me prodigues.
Méfie-toi Sophie, tu es très égoïste - et les coeurs secs ne sont pas heureux dans la vie et ne dispensent pas le bonheur autour d'eux.
je sais, tout le monde te trouve jolie, intelligente, gentille, mais il faut vivre avec toi pour connaître ton côté suffisant, égoïste et personnel.
Tout ceci me fait de la peine et je tiens à t'en faire part aujourd'hui, veille de la fête de l'amour.
C'est aussi un cadeau, j'espère qu'il sera un peu amer ou alors tu t'en ficheras pas mal... Selon ton coeur...
Mais il semble vraiment être sur la mauvaise pente et il faudrait - je le souhaite fortement - que tu en prennes conscience et que tu fasses un effort pour en changer.
Tout l'amour que je t'ai donné n'a pas porté les fruits que j'espérais. Mon coeur en est très triste et bien déçu...
Je te souhaite un joyeux Noël.
Maman

vendredi 10 février 2012

Les escaliers noirs - 5


Les années collèges furent salvatrices. Sophie rencontra « les autres ». Ces « autres » si différents de Simone. Ces « autres » qui étaient prêts à entamer une relation normale, d’échange, d’amitié, de respect, de confiance. Et Sophie adora « les autres », elle aurait pu redoubler, tripler, quadrupler tellement le collège lui plaisait. Elle se couchait le soir impatiente d’y retourner, la fin des grandes vacances était interminable avant la rentrée. Les profs, les élèves, les parents, tous lui apportaient ce quelque chose de nouveau, ce sentiment de liberté incroyable. Au collège elle riait et le soir elle rêvait. Bien sûr Simone veillait, les coups de fil devaient tous être écoutés, la chambre toujours fouillée mais les nouvelles amies lui convenaient. Sophie fut inscrite aux « guides » de Monaco, sur le Rocher, encore un endroit plein de ces « autres » que Sophie adora.
A partir de la seconde, l’adolescence qui commençait à bien pointer le bout de son nez fut bien maîtrisée par Simone. Le travail de sape qui avait commencé depuis longtemps se fit plus régulier, les amis de Sophie devenaient des concurrents qu’il fallait éliminer. Ils étaient donc critiqués, évités le plus possible, pas de cantine pour Sophie, après avoir fait la vaisselle chez les Dominicaines pendant 4 ans, Simone décida qu’elle était assez grande pour déjeuner toute seule et, à son grand désespoir, Sophie rentra tous les midis manger seule à la maison. Le lait concentré sucré devint son nouvel ami pendant ses deux longues heures de solitude… Une gentille petite boulimie s’installa à jamais pour combler ce vide immense et infini.
A la fin de la seconde, les profs envisagèrent, ou plutôt furent encouragés par Simone à envisagé, un redoublement pour manque de maturité bien que le notes n’étaient pas mauvaises il fallait limiter les liens que Sophie avait créés avec les amis de sa classe.
Qu’à cela ne tienne, les liens étaient tissés, rien ne les déferait et d’autres furent créés.
Mais Simone était très forte, tantôt bourreau, tantôt victime, elle soufflait le chaud puis le froid, Sophie ne savait jamais sur quel pied danser, souvent encouragée mais toujours critiquée, elle n’en faisait jamais assez, Simone n’était jamais satisfaite, tout était matière à culpabilité. Elle disait être malheureuse parce que Sophie était égoïste, parce que Sophie préférait ses amis, parce que Sophie pensait qu’à elle. Alors Sophie faisait de son mieux. Elle passait tout son temps avec Simone, la faisait rire, lui raconter les bêtises faites par ses copains en classe, l’aidait à faire le ménage, l’accompagnait faire les courses, mais ce n’était jamais assez bien.
En seconde Sophie commença à donner des cours de math, 50 francs l’heure, parfois 5 cours par semaine, une vraie petit fortune ! Mais tout cet argent passait à se faire pardonner, des fleurs tous les samedis en revenant de cours, 7 roses roses et 5 œillets, les préférées de Simone, puis toutes ses économies au centime près passèrent en fin de première dans l’achat de ce magnifique chat en bois que Simone avait vu chez un antiquaire à Monaco. C'était la moindre des choses, Simone se sacrifiait pour elle, n’avait jamais refait sa vie pour elle, se tuait au travail pour elle, pour qu’elle soit parfaite pour qu’elle soit son œuvre.
Et c’est vrai que Sophie avait la vie belle, une jeunesse dorée, en Angleterre à 9 ans, en Ecosse à 10 pour apprendre l’anglais, en vacances au ski en Suisse, à la plage à Juan Les Pins, à Disney World en Floride, une vraie vie de princesse à Monaco qui en aurait fait rêver plus d’une.
Sophie avait la vie belle surtout grâce à ses amis avec qui elle riait, elle s’amusait, elle vivait ! Grâce à Isabelle, à Yasmina, à Marina, à Marie, à Franck qui l’ont tellement fait rire, à Eric qui lui a déclaré sa flamme et dont Sophie ne pouvait pas croire qu’on pouvait l’aimer comme ça, pour elle, sans culpabilité sans rien attendre en retour !!
Pour Simone elle n’était qu’un objet, un objet à façonner, à formater pour servir ses propres intérêts, un objet sans identité, sans désir propre sauf celui de répondre aux désirs de Simone.